vendredi 1 août 2008


Les allemands sont passés. Tout le monde est mort. Je tourne la tête, vers le lit. Mon frère y gît. Je m'approche. Il respire toujours.

"Lève toi. Il faut y aller, maintenant."

Il est blessé. Il tousse. Il ne veut pas se lever. Il veut dormir, que je le laisse.

"On ne peut pas. Tu le sais, il faut que l'on s'en aille."

Je le secoue. J'ai du sang sur les mains. Par la fenêtre, je vois de la fumé, à travers la fine pluie de campagne, s'élever d'un véhicule.

"S'il te plait, allons nous-en. On peut s'en sortir."

Il finit par se lever, difficilement. Il récupère une arme de poing, sur la commode. Je ramasse un couteau. Nous sortons de la maison, dans les ruelles désertes du village, encore vibrantes du carnage. Je m'attends à tomber sur une patrouille à tout instant.

Nous faisons à présent le tour, prenant la route longeant le domaine. Nous décidons de couper à travers l'enclos parsemé de vaches abattues. Mon frère passe le premier; un chien se précipite à sa rencontre, sans déclencher la moindre réaction de celui-ci. La bête se dirige à présent vers moi. Je ne dois pas avoir peur. Je suis celui qui domine. Je ne dois pas montrer ma peur. Pourquoi je n'arrive plus à bouger ? Elle se rapproche à grand pas. Sa gueule s'ouvre sur ma carotide; mes mains bloquent sa mâchoire au dernier moment. Je me débats avec. Je dois la tuer. Je n'ai pas le choix. Je veux sentir son sang couler sur mes mains.

"Mais arrête ! Qu'est-ce que tu fais ? ! C'est le chien de la ferme !"

Je relâche mon étreinte, la bête s'éloigne, assommée, visiblement blessée. Qu'étais-je sur le point de faire ?

Nous nous remettons en route. Il faut fuir, le plus vite possible. Nous repérons une Ford bleue. Mon frère force la portière et parvient à la démarrer. Un sentiment de soulagement tente de se frayer un chemin au travers de mes réticences. Le bruit du moteur et de la pluie battant sur la frêle carcasse emplissent l'habitacle. Quelques virages plus loin, nous croisons le cadavre du chien, à son tour abattu, par balle.


J'ai toujours cru savoir ce que j'avais à gagner. Maintenant je sais ce que j'ai à perdre.

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